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Mes odyssées en Méditerranée: Trapani -Sfax et les pêcheurs d’éponges

Cette chronique du dimanche «Mes Odyssées en Méditerranée » se veut comme l’affirmation du lien existant entre l’Italie et la Tunisie, pour mettre en exergue l’histoire millénaire commune qui lie nos deux pays depuis la nuit des temps. Dans un passé pas trop lointain, les villes de Trapani en Sicile et de Sfax, au sud de la Tunisie, ont été liées par une activité économique importante, comme la pêche au corail et la pêche à l’éponge. C’est de celle-ci dont je vous parlerai aujourd’hui.

Difficile d’établir avec certitude quand a débuté l’aventure des éponges. Une chose est sûre, leur usage remonte à plus de 2.700 ans.

Homère, déjà, décrivait Pénélope les utilisant pour laver ses plats et les légendes évoquent Héphaïstos s’en servant pour nettoyer ses glorieuses créations. La pêche à l’éponge en Méditerranée est, en effet, très ancienne et a été effectuée jusqu’à la seconde moitié des années 1950. Avec le commerce maritime, elle a joué un rôle important dans le contexte culturel de la communauté de Trapani, conduisant au développement des connaissances et des techniques relatives à la mer, qui ont été transmises au fil du temps. La pêche à l’éponge a été pratiquée sur les côtes africaines de Tunisie et de Libye. Les meilleures éponges poussaient, en effet, à des profondeurs comprises entre 20 et 35 bras tout au long des côtes de Tunisie, de la Tripolitaine, de la Cyrénaïque, de l’Egypte, de l’archipel égéen et du sud de la Sicile, et les plus précieuses se développaient sur des fonds rocheux.

«Il n’y a pas de travail plus difficile et douloureux que celui du pêcheur d’éponges», s’exclamaient les marins !                                                                                                                                        

La période de pêche à l’éponge, ou « sponsi » en sicilien, s’effectuait entre février et novembre. Jusqu’en 1956/57, une flotte de plus de 60 petites embarcations a été utilisée pour la pêche à l’éponge. Une expédition depuis les côtes siciliennes pouvait durer environ trois mois. Le voyage de Trapani à la côte africaine un peu plus d’une journée. Les pêcheurs d’éponges, qui composaient l’équipage, appartenaient presque toujours à une seule unité familiale. La pêche a toujours commencé par le rite de la prière. Les pêcheurs, avant de sortir du port, commençaient à invoquer Dieu et tous les saints protecteurs.

Les éponges de la Méditerranée sont les plus douces et, donc, les plus précieuses ; celles de la mer Rouge et de l’océan Indien,plus grossières et moins durables, viennent tout de suite après. Mais ces voyages entre la Sicile et Tunis ont commencé à partir du XVIe siècle quand les pêcheurs de Trapani sont allés chercher des coraux en Tunisie et plus particulièrement à Sfax, centre économique et l’une des villes portuaires les plus importantes. La présence de pêcheurs de Trapani à Sfax a également été attestée en 1869 dans « l’Annuaire scientifique et industriel » qui décrit la pêche aux coraux comme une pêche italienne qui employait, pendant la saison estivale, environ 7.000 marins siciliens et tunisiens. Les eaux entourant Sfax, cependant, étaient très souvent orageuses et cela pouvait causer de graves dommages aux pêcheurs. En fait, il était difficile de pouvoir ramasser des éponges en apnée. Les récits oraux, transmis de génération en génération, prêtent aux premiers plongeurs des capacités hors du commun, descendant nus à près de 60 mètres de profondeur pendant plus de 5 minutes pour collecter les précieuses créatures.  Ceux qui ont réussi sont devenus presque des héros qui, à leur retour en ville, se vantaient de leurs exploits, de comment avoir survécu aux terribles tempêtes, aux vagues et aux dures conditions de vie à bord.

De cette attitude, disons « héroïque », mais liée aussi aux gains que la pêche à l’éponge pouvait apporter, est né à Trapani le terme « Spacasi », terme qui indiquait à l’époque les pêcheurs revenant de Sfax. Ce mot, existant seulement dans la ville de Trapani, serait une distorsion du nom de la ville tunisienne.

De nos jours, ce terme est entré dans toutes les maisons de Trapani, en assumant une signification similaire. Il a commencé à être utilisé, en fait, pour décrire le Trapanais typique qui se targue d’un exploit, en devenant, aux yeux des autres, un véritable héros. Et pour décrire ces types de personnages, à Trapani, il n’y aura pas d’autre exclamation que : « Arrivao Spacasi! », (Spacasi est arrivé), une façon presque étrange de dire, mais qui parvient à mieux décrire les Trapanais, et surtout l’histoire commune entre leur ville et celle de Sfax.

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